Météo du temps qui passe
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le Deal du moment : -39%
Pack Home Cinéma Magnat Monitor : Ampli DENON ...
Voir le deal
1190 €

Aller en bas
tapanur
tapanur
Admin
Messages : 138
Date d'inscription : 29/06/2019
Localisation : Creuse
https://tapanur.forumactif.com

Ma soeur (nouvelle) Empty Ma soeur (nouvelle)

Sam 29 Juin - 8:34
Bien sûr, elle était toujours ma soeur. Je me rappelais ces discussions interminables et passionnées que nous avions eues, elle et moi, jusqu’aux portes de la nuit. Je me souvenais encore de ces jeux d’enfants qui nous unissaient sous un seul toit, nous enivraient du parfum des crêpes chaudes. Nous étions jeunes, pleins de fougue et de malice, toujours avides de délicieux goûters et de farces naïves. Jamais je n’aurais imaginé que la vie nous séparerait un jour, viendrait à bout de tant d’éternelles évidences.

Ainsi, le temps passant, nos rapports s’étaient dégradés. Elle avait épousé un homme de la terre, peut-être convaincue de toucher là un essentiel que nous n’avions su lui apporter. Peu à peu elle changea, prit ses distances, plongea à coeur perdu dans cette vie nouvelle qui semblait tant lui convenir. Tout ceci eût été bien anodin si elle n’avait aussi mué en profondeur, quitté l’habit béni de nos instants passés pour un clinquant costume de certitudes, de jugements abrupts et de péremptoires verdicts. Tout pour elle était devenu clair, manichéen, sans nuance. Ce qui nourrissait auparavant notre soif de comprendre lui apparaissait à présent comme autant d’évidences, de réponses incontournables assénées à grand renfort d’une édifiante bien que très courte expérience de la vie rurale.

Brusquement elle se mit à me juger, à me reprocher ma cosse, alors même que récemment nous nous plaisions à explorer ensemble les arcanes mystérieux de l’esprit humain. Ainsi le temps passa et nous avions fini par établir un statu quo. Nos rapports n’étaient plus que de simples formalités. J’étais quand-même parvenu, les années aidant, à tirer bénéfice de cette situation, son chasseur de mari partageant régulièrement avec qui le souhaitait les cuissots de chevreuil dont la petite famille ne pouvait venir à bout, faute d’un appétit suffisant.

Et puis il y eut cette nuit sur une route de montagne. Il y eut cette lune trop noire et des phares devenus fous. Il y eut cette chute sans fin au fond du ravin, sombre, profond et béant. Il y eut cette femme lacérée, mutilée, perdant son sang dans le silence du sous-bois 

A présent elle était devant moi, sur ce lit d’hôpital. Etait-ce bien elle ? Je peinais à reconnaître jusqu’aux traits de ce visage enflé, immobile et gémissant. Puis soudain, dans un effort surhumain, elle a levé le bras, un bras lourd, un bras qui souffre. Alors sans réfléchir j’ai pris sa main dans la mienne et j’ai pleuré. 
Revenir en haut
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum